WAGNER A LUCERNE

9 septembre 2013

LES SOUVENIRS WAGNERIENS à LUCERNE

Lucerne et ses environs sont riches de souvenirs car Wagner y séjourna à deux reprises : D'abord à l'hôtel Schweizerhof pendant cinq mois, au printemps et à l'été de 1859, durant lesquels il termina son Tristan et surtout durant six années dans la belle maison de Tribschen.

C'est le 28 mars 1859, après un séjour de sept mois à Venise, que Wagner s'installe à Lucerne, à l'hôtel Schweizerhof où il compose le troisième acte de Tristan. Voici ce qu'il en dit :"Le bienveillant hôtelier m'offrit, dans l'aile gauche du bâtiment, tout un étage où je pus choisir les pièces à ma convenance et m'installer confortablement sans frais. J'avais seulement à m'inquiter de mon service, car à cette époque de l'année il n'y avait dans l'hôtel qu'un nombre fort restreint de domestiques... Mon piano avait naturellement dû traverser aussi les neiges des Alpes. Quand il se trouva placé dans mon vaste salon, je me dis que toutes ces dépenses n'avaient d'autres but que de me permettre d'achever enfin le troisième acte de Tristan et Iseult... Malheureusement un affreux temps froid et pluvieux influença mon humeur de désagréable façon jusqu'à la fin mai. Chaque jour je pensais qu'il me faudrait quitter ce nouvel asile qui m'avait coûté tant de sacrifices, et je considérais comme indignement perdue chaque journée où je n'avais rien composé de ma musique. En outre, la plus grande partie de mon troisième acte roulant sur un thème horriblement triste, on comprend que je ne puisse me rappeler sans frissonner les premiers mois que j'ai passés à Lucerne"

"La saison des étrangers arriva : l'hôtel et ses dépendances s'emplirent de monde ; il n'était plus question d'accaparer tant de place à moi seul. On me proposa alors de déménager au deuxième étage du bâtiment principal... Je pus travailler dans le petit salon à côté de ma chambre à coucher sans être dérangé le moins du monde, car les pièces voisines restaient vides tout le jour et ne se peuplaient que la nuit. Et enfin l'été arriva, un été superbe, sans nuage au ciel pendant deux mois entiers."

Il n'y a aucun souvenir du passage de Wagner dans ce bel hôtel Schweizerhof, assez peu différent de ce qu'il devait être, notamment au niveau du hall d'entrée avec ses belles colonnes de marbre rose. Il a été modernisé au niveau du bar et du restaurant et sans doute de certaines chambres. Nous avons appris que la direction souhaiterait mentionner à sa clientèle les personnages célèbres qui y ont séjourné. Alors peut-être que d'ici quelques années vous pourrez coucher dans la chambre Wagner ! Mais attention, ne vous laissez abuser : l'aile gauche où il occupait le premier étage ayant été entièrement transformée vous aurez peu de chance de retrouver sa chambre et à l'emplacement de celle qu'il occupait dans le bâtiment principal, il y a maintenant un salon...

S'il n'y a aucun témoignage du passage de Wagner à l'intérieur de l'hôtel, une plaque située sur la facade extérieure, à côté de l'entrée, a été placée là en 2009 pour commémorer le séjour qu'y fit le Maître cent-cinquante ans plus tôt.

C'est le 30 mars 1866, soit sept ans après y avoir achevé son Tristan que Wagner reviendra au lac des Quatre Cantons. Cosima et Richard découvrent ensemble, et de surcroît le jour du Vendredi Saint, sur la pointe de la presqu'île de Tribschen, qui est un faubourg de Lucerne, "une vieille maison mi-patricienne, mi-paysanne... très propre et avantageuse" qui est inoccupée. Wagner entreprend les démarches pour la louer et, en attendant, il s'installe de nouveau à l'hôtel Schweizerhof jusqu'au 15 avril 1866. Le 12 mai de la même année, Cosima accompagnée de ses trois filles, Daniela, Blandine et Isolde, s'installe à Tribschen. Bien que la situation entre Cosima et Hans de Bülow ne soit pas encore réglée, bien que quelques mois douloureux s'écoulent encore pour Richard, Cosima et Hans, c'est à Tribschen que Wagner passera les années les plus heureuses et les plus fructueuses de sa vie.

C'est dans cette maison de Tribschen que naîtra Siegfried, le 6 juin 1869. Le 18 juillet 1870, le divorce entre Cosima et Hans de Bülow étant enfin prononcé, Richard et Cosima se marient le 25 août, jour anniversaire du roi Louis II de Bavière, dans la petite église protestante Saint Matthieu de Lucerne, située à gauche de l'hôtel Schweizerhof.

Le 4 septembre de cette année 1870, dans la même église Saint-Matthieu, a lieu le baptême du petit Siegfried qui sera suivi d'une réception à Tribschen.

Pour nous rendre à Tribschen et avant de visiter la maison qui est devenue un musée, nous allons passer par la plage de Üfschütti, grande prairie au bord du lac où les baigneurs sont nombreux en cette fin d'été. Et au milieu de cette prairie, on découvre un monument en hommage à Richard Wagner réalisé par Mandy Voltz en 1978. Fait d'une colonne cassée de granit rouge et d'un drapage de marbre blanc, on pourrait penser qu'il évoque Lohengrin... mais aucun renseignement ne nous permet de savoir ce qu'il symbolise et toutes les suppositions sont permises.

On peut se rendre au musée de Tribschen en voiture, à pied où par bateau. Si on arrive par la route, on voit la maison en haut d'une grande prairie, qui émerge à travers les arbres. Tout autour se trouve un petit chemin qui mène au bord du lac. L'endroit est beau et calme ce qui faisait dire à Wagner : "Un beau silence et la paix sont à l'entour de moi. Partout où je me trouve, au sortir de ma maison, s'étend un monde d'irréelle réalité. Je ne connais pas d'endroit plus beau et plus tendrement familier que celui-ci".

Le musée date de 1933 a été réaménagé en 1983 et rénové en 2011.

En arrivant devant le musée, à droite de la maison, on peut voir une grosse tête de Wagner reposant sur un socle de marbre noir que l'on doit au sculpteur suisse Thomas Hunziker. C'est la société Wagner de Zurich qui, pour ses cinquante ans, a pris l'initiative d'ériger et de financer ce monument qui a été placé là en 2006. Le jour de l'inauguration, parmi les invités, se trouvaient Thomas Hunziker le sculpteur ; Dagny Ricarda Beidler, la petite fille d'Isolde ; Armin Troesch, président de la société Wagner de Zurich et Verena Wagner, la seule survivante à ce jour des enfants de Siegfried et Winifred.

La maison possède trois niveaux et les deux niveaux principaux sont reliés par un escalier de bois rendu célèbre par Siegfried Idyll. En effet, le matin du 25 décembre 1870, quinze musiciens, dirigés par Hans Richter et disposés dans ce petit escalier, jouèrent Siegfried Idyll que Wagner venait de composer pour l'anniversaire de Cosima qui sera réveillée par cette tendre musique.

Wagner avait fait réaménager, au bout de la première année, les pièces du rez-de-chaussée qui n'a pas changé depuis. Il comportait la chambre à coucher du Maître, son cabinet de travail, un salon, une bibliothèque, une salle à manger et un corridor. La cuisine était à l'extérieur et le premier étage était réservé à Cosima et aux enfants. Au deuxième étage logeaient quelques gens de maison (les autres logeaient dans une ferme toute proche). Ce deuxième étage comportait également des chambres d'amis notamment une belle chambre pour Hans Richter et une pour Friedrich Nietzsche qui y passa de nombreux week-end. Le roi Louis II de Bavière passa une nuit à Tribschen et dû dormir dans la petite chambre du bas ! C'est dans cette belle demeure que Wagner composera les actes II et III des Maîtres Chanteurs, l'acte III de Siegfried, le prélude et l'acte I du Crépuscule, les esquisses des actes II et III du Crépuscule et enfin son Siegfried Idyll auxquels s'ajoutent de nombreux écrits littéraires.

Le rez-de-chaussée renferme de nombreux tableaux, gravures, objets... C'est le bureau d'entrée, où l'on prend son billet, qui était la chambre de Wagner. La pièce suivante était son bureau de composition. Puis viennent le salon avec le piano Erard, la bibliothèque et la salle à manger. A cet étage on peut voir, entre autres, le fauteuil de Wagner, quelques vêtements et son béret, un exemplaire du masque mortuaire, le stylo avec lequel il écrivit Tristan... Je ne vais pas, bien sûr, faire la liste de tous les objets ou documents qui se trouvent dans ce musée et vous invite plutôt à aller le visiter.

Le premier étage, qui servait avant la dernière rénovation de 2011 à abriter une collection d'instruments de musique non reliée directement à Wagner, a été réaménagé de façon plutôt didactique sans véritable reconstitution historique.

En ressortant du musée, juste en face, se trouve une pierre commémorative pour Arturo Toscanini qui créa le Festival de Lucerne en 1938 et l'inaugura le 25 août 1938 en dirigeant un concert dans la grande prairie située devant la maison. Cela fait soixante quinze ans !