LE RING, TEMOIN D'UNE PENSEE EN MOUVEMENT

Pour commencer cette année 2020, le Cercle Richard Wagner-Lyon avait invité ce dimanche 19 janvier, à l'hôtel Sofitel, Christophe Imperiali pour une conférence intitulée "Le Ring, témoin d'une pensée en mouvement". Cet exposé avait pour but de nous montrer comment, au cours des quelques trente années qui séparent la première ébauche du Ring de sa forme définitive, la pensée du compositeur avait évolué notamment par la découverte ou la rencontre de grandes figures politiques et philosophiques.

Dès 1852,  Richard Wagner écrit à son ami Théodor Uhlig : "Toute ma vision du monde a trouvé, dans cette oeuvre, son expression artistique la plus accomplie" 

Mais cette vision évoluera et ne sera plus la même en 1876. Nietzsche comprendra très bien cette modification et la tournera quelque peu en dérision dans son ouvrage "Le Cas Wagner". 

Dès 1848, Wagner écrit l'esquisse en prose des Wibelungen et le poème de la Mort de Siegfried, en 1851 le poème du Jeune Siegfried et en 1852, il rédige l'Or du Rhin et la Walkyrie. Le texte du Ring est donc pratiquement terminé dès 1852.

Mais la musique, elle, n'est que très partiellement composée : l'Or du Rhin et la Walkyrie datent de 1854 et 1855, Siegfried sera terminé en 1871 et il faudra attendre 1874 pour que la partition du Crépuscule des dieux soit achevée. 

Entre 1848, date de son premier écrit, et 1876, date de la représentation du Ring à Bayreuth, on repère trois périodes marquées pour Wagner par la rencontre de trois grandes figures :

1848-1849 : Manifestations révolutionnaires de Dresde et rencontre avec Bakounine.

1850-1854 : Découverte de Feuerbach

à partir de 1854 : Lecture de Schopenhauer

Ces trois personnages vont jouer un rôle déterminant dans l'évolution de la pensée wagnérienne. Avec Bakounine, c'est le monde corrompu qui doit être abattu et c'est Siegfried qui est au centre de l'oeuvre. Avec Feuerbach, on sort de l'ancrage social et l'amour devient la force qui lutte contre les conventions et qui affranchit le monde. L'amour doit détruire tout ce qui ne vient pas de lui (c'est ainsi que Brünnhilde refuse de rendre l'anneau, symbole de son amour même si les conséquences sont graves). C'est le duo Siegfried-Brünnhilde qui domine l'oeuvre. Enfin, avec Schopenhauer, c'est Wotan qui est au centre des illusions qui nous entourent. Il désire la fin, il aspire à l'anéantissement et au néant.

Si la musique est le témoin de l'évolution de la pensée de Wagner au cours de ces longues années, le livret, lui, n'a guère subi de modifications notables et c'est seulement à la fin de l'oeuvre dans les dernières paroles de Brünnhilde que l'on peut voir les changements apportés par le compositeur. Dans un premier temps, il décide de conclure en mettant l'accent sur Siegfried, héros libre et sur le rachat de la faute des dieux par le duo Brünnhilde-Siegfried. Puis le texte devient plus Schopenhauerien et Brünnhilde met un terme à son vouloir-vivre. Enfin, c'est le retour à l'amour de Brünnhilde pour Siegfried. 

En fin de compte, les deux visions insiprées par Feuerbach et Schopenhauer se mélangent laissant à la musique seule le rôle de conclure avec le sublime thème de la Rédemption par l'amour qui balaye tout, laissant espérer la naissance d'un monde nouveau et meilleur.

Voici, très brièvement retracé, le contenu de cette conférence qui fut agrémentée de nombreux documents, lettres, musique...

Christophe Imperiali fait partie des jeunes conférenciers, extrêmement doués qui enthousiasment le public tant par leurs compétences que par leur simplicité et leur bienveillance. Il a fait un véritable triomphe auprès d'un public totalement conquis. 

Merci à notre président Pascal Bouteldja qui a su repérer ce brillant érudit.